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22 janvier 2012

la folie de l'évaluation - Roland Gori

Vous avez dénoncé la folie de l’évaluation qui envahit tout. Avez-vous le sentiment qu’elle recule?
Non, elle ne fait que s’accroître. Il s’agit dans tous les cas d’inciter par tous les moyens matériels et symboliques à ce que les professionnels du soin, de l’éducation, de la recherche, du travail social, de la justice, de la police, de l’information, de la culture, ne puissent pas penser leurs actes autrement que sur le modèle de la marchandise, du produit financier et des services tarifés. Cette injonction à devoir concevoir les actes professionnels sur le seul modèle de la pensée néolibérale, de ses catégories symboliques et matérielles, participe à une véritable civilisation des mœurs au sein de laquelle l’humain se réduit à un «capital», un stock de ressources qui à l’instar de la nature doit être exploitée à l’infini.
Cette normalisation des pratiques propres aux sociétés de contrôle et de défiance d’allure démocratique, tend à transformer les professionnels en outils d’un pouvoir politique qui traite l’humain en instrument, en «segment technique» comme disait Jaurès. Cette civilisation des mœurs n’est pas propre à la France. Pour moi loin de reculer le champ de l’évaluation ne peut que s’étendre tant que les professionnels ne se donneront pas davantage les moyens de s’en émanciper.